SUR LES PAS DE GASPARD DE BESSE

LE SOUVENIR DE CE BRIGAND VAROIS DU XVIII° SIECLE
EST TOUJOURS VIVANT DANS LA MEMOIRE POPULAIRE

Il y a un peu plus de deux siècles, le 25 octobre 1781, Gaspard Bouis dit Gaspard de Besse, condamné à la roue, montait sur l’échafaud à Aix-en-Provence, en compagnie de ses deux lieutenants, après avoir exercé, pendant cinq ou six ans, l’exaltante et coupable activité de bandits de grands chemins, sans toutefois jamais commettre la moindre violence, et en distribuant souvent aux pauvres ce qu’il avait dérobé aux riches.

Au jour de sa fin horrible, il avait à peine 24 ans et, dit une complainte de l’époque, jamais brigand n’avait inspiré tant de tendresse. Aujourd’hui, son souvenir est toujours aussi vivant dans la mémoire populaire varoise.

Issu d’une famille paysanne, Gaspard Bouis était un grand et beau jeune homme à l’allure fière et désinvolte.

Selon les historiens, ainsi que d’après Jacques Bens qui lui a consacré un fort beau roman (Editions Ramsay), Gaspard de Besse fut poussé vers l’errance et la criminalité à cause d’une agression dont il avait été victime. Son père lui avait demandé de porter une importante somme d’argent à un négociant à Marseille, mais le jeune Gaspard, à peine âgé de 16 ans, s’en était fait déposséder par des jeunes gens avec lesquels il avait lié connaissance et qui l’avaient fait boire avant de le rouer de coups et de lui dérober sa bourse.

Honteux, éprouvant une profonde injustice, le jeune Gaspard se persuada que son père ne lui pardonnerait jamais cette mésaventure et décida de partir à l’aventure.

Mauvaise rencontre à Toulon

A Toulon, il va fréquenter le milieu des anciens bagnards, se lier d’amitié avec un certain Joseph Augias, de La Valette, puis avec Jacques Bouilly, originaire de Vidauban, qui vont devenir ses lieutenants. Leur première attaque de diligence, les trois hommes la commettent dans les Gorges d’Ollioules. Le butin ? Une malle contenant des livres tels que le Discours préliminaire de l’Encyclopédie de d’Alembert, Candide de Voltaire, l’Esprit des Lois de Montesquieu, les Caractères de La Bruyère… Ce sera une aubaine pour Gaspard, instruit par le curé de Besse qui lui avait appris le latin et les belles lettres.

Après ce coup d’essai, la petite équipe va s’étoffer et multiplier ses attaques, mais sans jamais la moindre violence ou effusion de sang, contrairement à Mandrin qui, à la même époque, écumait le Dauphiné.

Main basse sur les collecteurs d’impôts

En attendant, Gaspard et ses hommes arraisonnent une chaise de poste entre Carqueiranne et Pierrefeu, tendent une embuscade dans les pittoresques gorges de Châteaudouble, à la sortie de Montferrat où ils parviennent à s’emparer du coffre plein d’écus et de louis d’or du trésorier du baron d’Ampus, qui venait de collecter la taille à Bargemon et à Montferrat.

Fier de ce succès, Gaspard, se faisant passer pour un jeune noble, parvient à s’inviter à un bal d’un marquis, à Draguignan, où il fait la connaissance d’Anne de Morières, la jeune épouse d’un haut magistrat d’Aix-en-Provence, celui-là même qui quelques années plus tard, prononcera contre Gaspard une sentence de mort et la fera exécuter. Il est vrai qu’entre temps, la douce Anne a ouvert au beau Gaspard et son coeur et son lit, dans sa grande maison à Saint-Maximin, à l’ombre de la Basilique où sous les voûtes romanes, les deux jeunes gens se donneront leur premier rendez-vous d’amoureux.

Evasion rocambolesque

Gaspard et ses amis vont continuer à se faire la main. Ils sont ainsi à l’oeuvre dans l’Estérel, du côté d’Agay où la route est aujourd’hui, quoique moins dangereuse, tout aussi pittoresque qu’il y a deux siècles; on les signale à Bras, près de Saint-Maximin, à Gonfaron, dans la Sainte-Baume (où Gaspard était venu rejoindre Anne de Morières), à La Seyne, à Hyères, au Beausset, à Nans-les-Pins, à Sainte-Maxime, au Plan-de-La-Tour…

Les théâtres des agressions de Gaspard ne cesseront de se multiplier. Il frappe un jour dans l’Estérel, le lendemain dans les bois de Cuges. On le voit à Vins, Lorgues, Entrecasteaux, Cuers, Pigans, Collobrières, aux Arcs, à Flassans, à Barjols…Le bandit et ses amis tendent une embuscade dans les collines enchevêtrées qui s’entassent entre Fayence, Montferrat, Figanières et Bargemon, puis entre Callas et Claviers où ils délestent le collecteur d’impôts, impôts qu’ils restituent, selon la légende,
à leurs propriétaires.

Arrêté à La Valette et jugé à Aix

Mais tout a une fin. Arrêté une première fois en 1779, il s’évade de la prison de Draguignan dans des conditions rocambolesques. Une lettre anonyme adressée au ministre Necker dénonce l’impuissance des autorités locales face aux « exploits » de la bande de Gaspard qui sera finalement arrêté à La Valette, chez son lieutenant Augias.

Commence alors le dernier voyage, sous bonne escorte, de Toulon à Aix où, après une année de procès, il sera condamné à mort par le Parlement de Provence et roué en place publique.

François Kibler