ll y a le patrimoine que l’on découvre sans effort, celui qui nécessite un peu plus, et celui, moins facile, qui fait appel à de bonnes jambes et de bonnes chaussures. Il existe ainsi dans le Var une foule d’endroits merveilleux qui se méritent physiquement, inaccessibles aux moyens motorisés. Alors, pour commencer, cap sur le Saint Pilon à la Sainte Baume, à la fois paradis de superbes randonnées et lieu de pèlerinage renommé.
Que l’on monte vers la Sainte Baume depuis Gémenos en affrontant alors de multiples lacets souvent dangereux jusqu’au Plan d’Aups ou que l’on préfère traverser la riante vallée du Gapeau et bifurquer vers Mazaugues à la sortie de La Roquebrussanne, et emprunter ensuite une route moins sinueuse, le point de départ pour grimper au sommet du Saint Pilon est le même : l’Hôtellerie de la Sainte Baume où un grand parking vous attend.
Face à cette montagne impressionnante avec son immense falaise de calcaire qui culmine à 1147 m d’altitude, on se dirige droit devant en traversant une grande prairie. Parvenu au bout où l’on franchit un petit pont, le choix s’offre pour tourner à droite et grimper les marches taillées dans la roche du chemin du Canapé ou obliquer à gauche jusqu’aux trois chênes (ou ce qu’il en reste car détruits par la foudre).
Une forêt pas comme les autres
Nous sommes arrivés dans la forêt, pas n’importe quelle forêt car considérée par les experts comme « forêt relique » ou « forêt primitive », qui jouit d’un écosystème unique en Provence, d’une valeur écologique inestimable, préservée des défrichements depuis des temps immémoriaux, bien antérieurs à l’ère chrétienne.
Et quelle forêt ! Elle abrite des arbres ultra vieux, hêtres de plus de 200 ans, ifs de plus de 500 ans, chênes pubescents, tilleuls à grandes feuilles, érables à feuilles d’obier, lierres, houx, troènes, pins sylvestres…Ici, les arbres s’éteignent de leur belle mort.
Et tout au long de ce merveilleux chemin qui sent l’humus on découvre une flore rare qu’il est strictement interdit de cueillir sous peine d’amende : les lys Martagon, les narcisses des poètes, les campanules, les orchidées, les primevères, les anémones sauvages, les sceaux de Salomon, les rosiers sauvages…
Un sentier foulé par des rois
Et puis, il y a aussi la faune de plus de 150 espèces répertoriées et protégées auxquelles il est interdit de toucher : d’innombrables papillons, sangliers, lapins, lièvres, chevreuils, genettes, renards, blaireaux, chauve-souris, martres…
Parvenus aux trois chênes, bifurcation, à droite, nous voici sur le chemin des rois foulé au cours des siècles par des princes de l’église et des majestés : les papes Etienne VI et Jean VIII, Charles II d’Anjou, roi de Sicile et Comte de Provence, Philippe VI de Valois, roi de France, Alphonse IV d’Aragon, Jean Luxembourg, roi de Bohème, François 1er, roi de France accompagné de sa mère et de son épouse à son retour de Marignan. Il y reviendra une seconde fois avec Catherine de Medicis, Louis XIV avec Anne d’Autriche et Mazarin…Tous sont venus là, pour se recueillir dans ce sanctuaire humide et froid où Marie Madeleine serait venue prier et d’où, toujours selon la légende, des anges l’auraient transportée jusqu’au sommet de la montagne.
Tout au long de ce chemin royal, dans cette forêt sacrée, ont été érigés par Jean Ferrier, archevêque d’Arles, une douzaine d’oratoires gravés des scènes de la vie de Marie Madeleine. Mais la Révolution est passée par là. Il n’en reste aujourd’hui plus que trois.
Ca se mérite, 150 marches à gravir
Et maintenant, reste à gagner la grotte (baume en provençal), 150 marches à gravir qui représentent les 150 Ave du Rosaire. Le voici ce sanctuaire sur lequel veillent en permanence quatre Pères Dominicains et d’où la vue est splendide, lieu de recueillement où dans le silence et la solitude on n’entend plus que l’essentiel. C’est sans doute cela que recherchait Marie Madeleine en venant se réfugier dans ce pan de montagne après avoir quitté la Palestine et accosté aux Saintes Marie de la Mer en compagnie, entre autres, car ils étaient nombreux, de son frère Lazare et de sa sœur Mathilde.
Et puis les plus courageux mais bien chaussés reviennent sur leurs pas pour se hausser ensuite plus haut, jusqu’au sommet, le fameux Saint Pilon avec sa chapelle construite en 1493, plusieurs fois restaurée, et un panorama à couper le souffle…
François Kibler