Après la fougue de Khatia Buniatishvili qui avait fait l’ouverture de la nouvelle saison de la Vague Classique, c’est un autre géant du clavier, Nelson Goerner, qui lui a succédé samedi 25 mai à la Maison du Cygne, à Six Fours, où il a exprimé à la fois son habilité poétique et sa virtuosité fulgurante.
Ah, quelle belle soirée en compagnie de ce pianiste argentin, surdoué, au doigté délicat ! Et quel talent ! Et quelle maîtrise du clavier qu’il caresse avec une élégance bouleversante !
Son récital débute par une Chaconne de Haendel. L’attaque est franche, avec un phrasé d’une délicatesse remarquable sur les touches. Cette très belle composition qui, en fait, est une danse apparue au XVIème siècle, exige un doigté délicat. Eh bien, Nelson Goerner possède ce don en y ajoutant celui de l’interpréter avec beaucoup de nuances et la justesse dans les cadences.
Après le baroque le romantisme
Et puis, après du baroque on passe au romantisme ; de Friedrich Haendel à Robert Schumann, un siècle de différence, et pourtant la même rigueur mais exprimée autrement.
Au sommet de l’interprétation, Nelson Goerner pousse vers la rêverie, vers la magie ; chaque note se distingue, aucune n’est avalée. La noble virtuosité alterne avec des passages intimistes, d’une sensibilité impressionniste. Et c’est un pur bonheur que d’écouter ces danses jouées avec une habilité poétique proche de la magie.
Et que dire de l’interprétation fulgurante, époustouflante, éblouissante, des Préludes de Serge Rachmaninov ! De la magie pure !
Dans un entretien accordé à France Musique, qui l’a diffusé récemment, Nelson Goerner a confié la recette de sa réussite : « Je travaille rarement une pièce dont je ne me suis pas préalablement forgé une vision nette, ou dont je n’ai pas une représentation sonore intérieure qui me poursuit depuis longtemps »
Cette vision explique l’enchantement que ce pianiste a su créer samedi soir à la Maison du Cygne où il était en parfaite harmonie, en communion, avec les compositeurs dont il a interprété les œuvres.
Avec pour point d’orgue, la fameuse œuvre endiablée de Balakirev intitulée ‘Islamey'(Opus 18) et en bis une nocturne de Chopin pleine de rêverie et de nostalgie.
François Kibler